Almanach des muses 1806

Traduction de Sannazar
Sur le sablier q’un aman, en courant, avait
Ordonné qu’on remplit de ses cendres.
 
Vois ce cristal rempli d’une poudre mobile :
Du temps qui vient et fuit indicateur agile,
Il renferme Damon qui brûla pour Myrrha :
Dans ce vase il voulut que l’on gardât sa cendre,
Pour montrer, à qui la verra,
Qu’un amant au repos ne doit jamis s’attendre.
M.Bouffliers
 
 
 

Moralité
Avant de louer un beau jour,
Attends que le soleil ait achevé son tour :
Pour louer une belle vie
Attend que la mort l’ai suivie.
M. Burat
 

 
 
L’honneur en danger
Romance du vieux temps
Ne suis qu’une pauvre bergère
N’ai d’autre bien que mes fuseaux ;
Mon lit est un peu de fougères,
Ma cabane, un toit de roseaux :
Chevalier du plus haut parage
Vient pourtant me prier d’amour ;
Mais honneur dit : Si tu n’es pas sage
Triste regret aura son tour.
 
Vois souvent jeunes pastourelles
Toutes belles de chaînes d’or :
Les pastoureaux s’en vont loin d’elles,
Et devers moi prennent l’essor :
N’ai pourtant dessus mon corsage,
Dentelles, ni rubans, ni fleurs ;
Mais l’honneur dit : Quand on est sage,
C’est parure qui plaît aux cœurs.
 
Dans ceux qui fuyaient mes compagnes
Vient de trouver un doux ami.
C’est le beau de nos montagnes,
Et le plus tendre, Dieu merci !
Quand ses regards et son langage
Me pressent pour aveux d’amour,
Honneur parle… moi, quel hommage !
L’entend moins bien qu’un autre jour.
 
Quand Sylvain m’appelle sa mie
Et pose sa main sur mon cœur,
De plaisir je me sens ravie ;
Vous le dis bien avec candeur.
Mon ami parle de sa peine ;
n’y comprends rien, mais je rougis :
Honneur me tient, Sylvain m’entraîne…
Ne sais plus à qui j’obéis.
Mme de Montanclos