Almanach des muses 1795

Vérité consolante

Dans ce bas monde où tant, tant de fripons circulent,

Dea pauvres gens de bien quel serait le danger,

   Si les insectes qui pullulent

   Ne finissaient par ce manger !

Par le C. Pons de Verdun

 

 



L’habile soubrette

-Qui de ma maîtresse ou de moi

-au jeu d’amour montre plus de science ?

Disait Lise à son Maître.- « Oh ! Sans doute c’est toi, »

Dit celui-ci. « Grande est la différence,

« Je te le jure sur ma foi ;

« Annonce bien plus de talent.

« Vraiment, » reprit la maligne Soubrette,

« Je le crois bien, chacun m’en dit autant. »

Par le C. Defauconpret

 

 



Hymne

Chanté à la fête du 10 août, le 23 thermidor

Fuyant les villes consternées,

L'ibère orgueilleux et jaloux

A vu s'abaisser devant nous

Les deux sommets des Pyrénées.

Ses tyrans, ses inquisiteurs

Dans Madrid vont payer leurs crimes ;

D'injustes sacrificateurs

Deviendront de justes victimes.

 

Le chœur.

 

Gloire au peuple français ! Il sait venger ses droits :

Vive la République ! Et périssent les rois !

 

De Brutus éveillons la cendre ;

0 Gracques ! Sortez du cercueil :

La liberté, dans Rome en deuil,

Du haut des Alpes va descendre.

Disparaissez, prêtre  impurs,

Fuyez, impuissantes cohortes :

Camille n'est plus dans vos murs,

Et les Gaulois sont à vos portes.

Gloire, etc.

 

Avare et perfide Angleterre,

La mer gémit sous tes vaisseaux ;

Tes voiles pèsent sur les eaux ;

Tandis que nos vaillants efforts

Brisent ton trident despotique,

Vois l’abondance, vers nos ports,

Accourir des champs d’Amérique.

Gloire, etc.

 

Lève-toi ! Sors des mers profondes,

Cadavre fumant du vengeur,

Toi qui vis le Français vainqueur

Des Anglais, des feux et des ondes.

D’où partent ces cris déchirants ?

Quelles sont ces voix magnanimes ?

Les voix des braves expirants

Qui chantent du fond des abîmes :

Gloire, etc.

 

Fleurus, champs dignes de mémoire,

Monuments d’un triple succès,

Fleurus, champs amis des Français,

Semés trois fois par la victoire !

Fleurus, que ton nom soit chanté

Du Tage au Rhin, du Var au Tigre !

Il est écrit ; L’Europe est libre.

Gloire, etc.

 

Ostende, reçois nos cohortes :

Namur, courbe-toi devant nous ;

Oudenarde et Gaud, rendez-vous ;

Charleroi, Mons, ouvrez vos portes.

Bruxelles, devant tes regards,

La liberté va luire encore ;

Plaintive Liège, en tes remparts,

Revois le drapeau tricolore.

Gloire, etc.

 

Rois conjurés, lâches esclaves,

Vils ennemis du genre humain,

Vous avez fui devant nos braves ;

Et de votre sang détesté

Abreuvant ses vastes racines,

Le chêne de la liberté

S’élève aux cieux sur nos ruines.

Gloire, etc.

 

Dans nos cités, dans nos campagnes,

Du peuple on entend les concerts :

L’écho des fleuves et des mers

Répond à l’écho des montagnes.

Tout répète ces noms touchants :

Victoire, liberté, patrie.

L’Europe se mêle à nos chants :

Le genre humain s’élève et crie

Gloire, etc.

Par le C. Chénier