Almanach des muses 1780

L’espérance
Si l’espoir d’un jour favorable,
Peut nourrir un plus misérable
Que ne pourraient peindre mes vers,
Me doit-on blâmer d’ignorance,
Lorsque j’ai dit que l’univers
A pour nourrice l’espérance ?
 
Afin de rendre indubité (1)
L’effet de cette vérité,
Puisque d’être femme, Clarice
Espère depuis si longtemps,
Pierre, mettez hors de nourrice
Cette fille de cinquante ans.
Sr de Sahurs
 (1) Indubité, certain.
 
 
 

Épigrammes
De notre forgeron qui cloche
La femme est autre Cypris,
Et sans doute il y fera pris,
S’il faut que ce soldat l’approche ;
Car l’almanach dit pour certains
Que ce Mars le fera Vulcain.
Pierre de Marbeuf
 
 


Sonnet
Si le ciel m’eût fait naître aux vieux siècles passés,
Mon vers serait plus grave et digne de mérite ;
Car le siècle dernier, le premier siècle imite :
C’est la gloire de ceux qui nous ont devancés.
 
Nous déterrons les os de ces vieux trépassés ;
Écrivant à tous coups une chose décrite,
On redit mille fois une phrase redite ;
Car tous les mots nouveaux ont été prononcés.
 
Le Rhodien Homère, Euripide, Virgile,
Horace, Ovide encore, et mille autres et mille
Ont du divin Parnasse emporté tout l’honneur.
 
Moi, qui les vais suivant, indigent je m’amuse
A joncher les épis, relique de leur Muse,
Comme un glaneur timide après le moissonneur.
Tome XVI.  Annibal de Lortigue