Almanach des muses 1779

Sonnet

Mauvaise, mais pourquoi prenez-vous à injure,

Si me sentant languir, je demande secours ?

Quoi, m’en estimez-vous moins discret en amours,

Qu’un finet déguisé et fardé de nature ?

 

Non, belle, non, croyez que ce mignon, qui jure

Ne déchirer de vous rien plus que le discours,

N’en espère rien moins, que moi : voire, au rebours,

Qu’il tâche à vous tromper sous simple couverture.

 

Sage par mon danger, il poursuit son chemin,

Feignant de reculer, et vous, soir et matin,

Vous prenez ses détours pour discrète manière.

 

Ne vous y fiez pas : car il est coutumier

De s’avancer toujours, comme le marinier,

Qui ramant vers le port, y tourne le derrière.

Antoine de Cotel

 

 

 


Sonnet

Je suis aimé d’une maîtresse telle,

Que d’un tel bien maint homme est envieux :

Mais tellement sont éblouis mes yeux,

Que je ne puis mettre mon cœur en elle.

 

J’en aime une autre et la trouve rebelle :

Voilà comment je souffre pour les deux,

Pour ne pouvoir de l’une être amoureux

Pour trop aimer l’autre qui m’est cruelle.

 

Pourquoi de l’une, hélas, suis-je estimé ?

Pourquoi de l’autre, hélas, ne suis-je aimé ?

Amour me nuit, même en voulant me plaire ;

 

Car en fuyant la dame qui me fuit

Car en suivant la dame qui me fuit

Je fuis moi-même, à moi-même contrainte.

Scevole de sainte marthe

 

 

 


Odelette

Espoir sans, nulle attente

Attente sans espoir,

Offre mon âme en vente

Du matin jusqu’au soir.

 

Toutefois je respire,

Bien que je n’ai poumon,

Que celui que m’inspire

Ma douce Marion,

 

Mes soupirs et mes larmes

Servent d’air à ma voix, et.

Le pareil vers étaient faits pour ennuyer même la maîtresse.

Flaminio de Birague